Une balade en métro

Je n\’ai jamais vraiment vécu dans une grande ville. Mais me voilà dans la jungle de béton comme Bob l\’avait prédit. Je vois le fleuve interminable de voitures que circule dans le boulevard et qui gâche ta photo des façades. Et comment font-ils pour faire des cartes postales sans voitures alors que dans toutes mes photos on voit une Twingo juste en face de moi ?

J\’aime regarder les trams et les bus passer, remarquer les expressions d\’ennui des passagers. Yélo, RATP, Vitalis, c\’est la même chose mais avec des couleurs différentes. Peu importe la ville, ils auront la même tête. Ils regardent par le fenêtre, ou un coin dans le train, ou leur portable, chacun se déplace dans une bulle qui vole sur la ville. Ils pensent aux courses, à l\’examen dans une heure, à la soirée d\’hier, au dernier texto ou à leur enfant qui ne sait pas se tenir sage dans les transports en commun.

Dans le même écosystème, les conducteurs râlent dans leurs voitures. Je ne les entends pas, mais je lis sur leurs lèvres, alors, t\’es pas pressé toi, connard ! Il roule au moins à 20km/h lui, il sait pas conduire, il renifle et change la station radio, en espérant tomber sur une bonne chanson, et puis il va monter le son et appuyer sur l\’accélérateur dès qu\’il verra le feu vert, aussi vite qu\’il déverrouille son smartphone.

Ah, feu rouge. Les piétons traversent, moi aussi. Je n\’ai pas de mal à marcher au même pas, quoique je me dis que j\’aurais dû porter une veste, la circulation des personnes stimule les courants d\’air. Ils sont pressés, ce n\’est pas un pas synchrone, mais plutôt des vagues de talons qui se cassent dans le béton. On porte des écouteurs, on regarde son portable, on parle, chacun dans une bulle roulante. Non, je finis à 18h, je dois après passer chez… Et du coup, il devra attendre mercredi pour enfin avoir… On extrait une cigarette de son paquet, un acte réflexe, sans s\’arrêter. On regarde à droite et à gauche, on peut traverser. Maman, maman, regarde la moto ! Ne cours pas chéri, je te dis, tu ne traverses pas la rue tout seul, tu attends. Des touristes. So, we are here and we have to go there. I want to eat something. Une voiture, deux voitures, trois voitures, et on traverse. Une jeune fille descend dans la station de métro. Ses talons résonnent contre les parois souterraines.

Les stations de métro, c\’est un autre univers. Dans chaque ville, ils ont une odeur différente, à Oslo ça sent le froid, à Cologne ça sent propre, à Hong Kong ça sent la foule et à Paris, ça sent la pisse (c\’est malheureux). On y marche à pas rapide, on esquive les personnes comme dans un jeu de crazy taxi, on a déjà notre titre de transport dans la main, mais on est obligés de râler derrière un touriste qui essaye de passer son ticket et, sponsorisé par la loi de Murphy, l\’insère toujours une première fois du mauvais côté. Mais on ne dit rien, on parle dans sa barbe. Sauf ce personnage qui existe dans toutes les villes, celui qui ne comprend pas qu\’en criant au téléphone son interlocuteur ne va pas forcément mieux l\’entendre. Une dame joue à Candy Crush, elle est en train de faire un très bon score. Vous voyez, chacun est dans sa bulle, on s\’en fiche du reste. Moi aussi je suis dans ma bulle, personne ne me remarque non plus, malgré tout. Please mind the gap between the train and the platform. Je descends à Admiralty pour changer de train, direction Stortinget, je ne sais plus s\’il fallait pas plutôt changer à Châtelet, quelle est la différence ?

Personne ne remarque le jeune homme qui regarde son chemin sur City Mapper, il ne sait pas s\’il devrait rester à Admiralty ou plutôt aller à Châtelet. Perdu dans ses pensées, il serre son déguisement de Borat et pursuit son chemin entre la foule de la station.

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